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« Mon engagement pour un recours plus juste aux examens demandés à l’hôpital »

18/07/2024

« Mon engagement pour un recours plus juste aux examens demandés à l’hôpital »

Dans ce deuxième volet des entretiens « Le bon geste », retrouvez le témoignage d’Émilie Roman, conseillère ordinale, biologiste médicale et responsable du plateau technique du laboratoire de biochimie du centre hospitalier d’Avignon (800 lits). Depuis son entrée en fonction en 2019, elle participe activement aux efforts du groupe hospitalier pour optimiser les examens réalisés dans son laboratoire.

Lutte contre les prescriptions redondantes, mutualisation d’examens de biologie médicale rares ou peu urgents : son approche passe par une collaboration étroite avec les prescripteurs au sein de l’établissement et avec d’autres laboratoires hospitaliers du Vaucluse.

Quelles sont les actions mises en place au sein de votre établissement ?

En tant que biologiste médicale hospitalière, je travaille au cœur d’un laboratoire qui fonctionne 24 heures sur 24 et traite en moyenne 1 200 dossiers de patients par jour. Lors des pics d'activité, nous voyons arriver 180 tubes par heure, ce qui représente plus d'un millier d’examens à réaliser. Certains peuvent s’avérer redondants ou peu pertinents. Mon engagement est de veiller à une pratique plus juste, plus raisonnable concernant ces examens.

Pourquoi vous êtes-vous engagée dans cette démarche ?

Au-delà du compréhensible calcul financier, établi par les laboratoires de biologie médicale (LBM) pour réaliser des économies, les acteurs du système de soins doivent contribuer à cette sobriété dans le cadre de la transition écologique. Il faut trouver un équilibre entre la réduction de la consommation de ces produits de santé et le maintien de la qualité du service rendu aux patients. C'est essentiel à mes yeux.

Concrètement, comment cela se déroule-t-il ?

Pour limiter tout d’abord la redondance des prescriptions, nous avons paramétré des règles dans notre système informatique de laboratoire (SIL). Pour le suivi d’un patient diabétique par exemple, lorsqu’un dosage d’hémoglobine glyquée est prescrit à moins d’un mois d’intervalle, le deuxième est annulé car, physiologiquement, on ne voit d’évolution de ce marqueur que sur une durée de deux à trois mois. Le doser trop tôt n’a donc pas d’intérêt. À l’enregistrement de la demande dans le SIL, le logiciel émet une alerte et permet d’éviter des examens qui ne seraient pas pertinents.

Quels sont les autres dispositifs mis en place, en lien avec le laboratoire ?

Nous disposons d’un système de prescription connectée. Dans chaque service de l’hôpital, les médecins font leur prescription sur ordinateur. Les infirmières disposent alors d’étiquettes éditées automatiquement, leur indiquant le nombre de tubes et leur couleur. On est certains de prélever ce dont on a vraiment besoin et on optimise les tubes. Pour les patients, c'est aussi un avantage : pas d’erreur, pas d’oubli et pas besoin de piquer à nouveau !

Nous travaillons également sur une réduction de la consommation des réactifs. Pour les examens rares et peu urgents, nous pratiquons des dosages en série, en fixant un unique jour dans la semaine, au lieu d’utiliser les machines et produits quotidiennement.

Cette optimisation passe aussi par une coopération étroite avec d’autres laboratoires hospitaliers du Vaucluse, comme ceux d’Orange et de Cavaillon, qui réalisent eux-mêmes les examens urgents et nous confient certains de leurs examens plus spécialisés ou plus rares.

Quels défis avez-vous eu à relever lors de la mise en place de ces démarches ?

Nous avons dû repenser notre organisation et mettre en place des règles informatiques afin d’assurer une traçabilité complète des transferts d’échantillons entre laboratoires. La gestion de la logistique est cruciale, car il ne s’agit pas de multiplier les navettes entre les différents hôpitaux, ce qui serait contre-productif pour l’environnement ! Le transporteur qui assure la liaison par exemple entre Avignon et Orange – trois quarts d’heure de route – ne fait jamais le trajet à vide. Il nous achemine les échantillons de biologie et d’anatomopathologie et remporte des poches de sang confiées par l’Établissement français du sang (EFS), ou des préparations pour les chimiothérapies.

Quels conseils donneriez-vous à un confrère pour l'inciter à la mise en place de mesures en faveur de l'environnement ?

Un laboratoire de biologie médicale consomme beaucoup de ressources et produit des déchets chimiques, infectieux ou encore ménagers. La préservation de notre environnement est aussi une question de santé publique et, en tant que professionnels de santé, nous ne pouvons que nous sentir concernés. Bien sûr les gestes simples du quotidien peuvent s’appliquer au laboratoire : éteindre la lumière et les ordinateurs, ne pas climatiser trop fort, réduire l’utilisation du papier, pratiquer le tri sélectif... mais nous pouvons aussi travailler sur des points plus structurels et spécifiques à nos métiers : optimiser les commandes et l’utilisation des réactifs, prendre en compte des critères environnementaux dans les appels d’offres de renouvellement d’automates ou de choix de réactifs, ou encore échanger avec les médecins sur la pertinence de leurs prescriptions selon le contexte clinique. Nous avons de multiples moyens d’agir, il ne faut plus hésiter !

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