Dérives sectaires : création du délit de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins
16/05/2024
La loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires a été publiée au Journal Officiel du 11 mai 2024. Suite à la décision du Conseil constitutionnel, l'article 12 créant un nouveau délit de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins a été jugé conforme à la Constitution.
Le nombre de signalements enregistrés par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes ) a augmenté ces dernières années (+86 % depuis 2015).
Le gouvernement a réuni en mars 2023 les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Les propositions qui en ont émané ont nourri la présente loi, visant à adapter l’arsenal juridique aux récentes évolutions des dérives sectaires, pour mieux les réprimer et apporter réparation aux victimes.
Consacrer les pouvoirs et le rôle de la Miviludes
L’article 1er consacre dans la loi le principe d’une mission interministérielle chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention des dérives sectaires et de lutte contre ces dérives.
Faciliter et renforcer les poursuites pénales
L’article 3 crée dans le code pénal, un nouveau délit de placement ou de maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave sur sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
L’article 6 crée des circonstances aggravantes lorsque les faits constitutifs de thérapie de conversion sont commis au préjudice d’une personne en état de sujétion, par un dirigeant d’un mouvement sectaire ou ses membres agissant en bande organisée.
Protéger la santé
L’article 11 renforce et actualise la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie et de la biologie médicale et de pratiques commerciales trompeuses, dès lors qu’elles sont commises en ligne ou “par le biais d’un support numérique ou électronique” (sur proposition de l'Ordre, l'article a été élargi au cours de son examen à l'exercice illégal de la pharmacie et de la biologie médicale).
L’article 12 crée un nouveau délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins (thérapeutiques ou prophylactiques) ou à l’adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique et comme bénéfiques pour la santé de personnes atteintes de pathologies alors qu’il est manifeste, en l’état des connaissances médicales, que cet abandon ou cette abstention est susceptible d’entraîner pour elles des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique, et que l’adoption de telles pratiques les expose à un risque immédiat de mort ou de blessures. Ce délit sera passible d’un an d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende (jusqu’à trois ans d'emprisonnement et 45 000€ d'amende si cette provocation entraîne des conséquences médicales graves).
L’article 13 prévoit l’obligation de transmission par le ministère public aux ordres professionnels des condamnations, même non définitives, des praticiens pour des infractions en lien avec les dérives sectaires. L’information sera également obligatoire en cas de contrôle judiciaire prononcé par un juge, et qui interdirait au praticien d’exercer son activité professionnelle ou d’être habituellement en contact avec des mineurs. Concrètement, l’Ordre national des pharmaciens sera destinataire d’une décision pénale prise contre un pharmacien inscrit à l’Ordre, le mettant ainsi en capacité de mieux exercer son pouvoir disciplinaire.
Assurer l'information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires
L’article 15 crée une nouvelle possibilité de dérogation au secret professionnel spécifiquement dédiée aux dérives sectaires. Ainsi, le secret professionnel ne sera pas applicable à un professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République des informations relatives à des faits de placement, de maintien ou d’abus frauduleux d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, lorsqu’il estime en conscience que cette sujétion a pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Lorsque la victime est mineure ou pas en mesure de se protéger, en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire. En cas d'impossibilité d’obtenir l’accord de la victime, il convient de l’informer du signalement fait au procureur de la République.
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